Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’inattention et de l’indifférence à cet acte d’hostilité audacieux et déterminé, fit une forte impression sur les cœurs les plus braves qui se trouvassent à bord du croiseur du roi. Pendant l’intervalle momentané d’attente, chacun resta immobile, prêtant la plus profonde attention, et l’on entendit siffler la grêle de fer qui arrivait à travers les airs. L’instant d’après, le craquement des bois percés, les cris de quelques blessés, le bruit des planches arrachées, et les fragmens de bois et de cordages sautant dans les airs, proclamèrent avec quelle dextérité cette bordée fatale avait été dirigée. Mais la surprise et la confusion qui la suivirent ne durèrent qu’un instant. Les Anglais poussèrent de grands cris, reprirent tout leur courage, et, revenant promptement à eux, répondirent vigoureusement à cette attaque.

Il s’ensuivit la canonnade habituelle et régulière d’un combat naval. Désirant également en accélérer la fin, les deux vaisseaux s’approchaient insensiblement l’un de l’autre, et au bout de quelques instans, les deux nuages de fumée blanche qui s’élevaient autour des mâts de chaque navire, n’en formèrent plus qu’un seul indiquant le lieu solitaire d’un combat acharné, au milieu d’une scène de tranquillité parfaite. Les décharges d’artillerie étaient chaudes et se succédaient sans interruption. Mais tandis que les deux partis ennemis montraient un zèle égal pour se détruire l’un l’autre, une différence remarquable signalait le caractère particulier de chaque équipage. De grandes acclamations d’encouragement accompagnaient chaque bordée lâchée par le croiseur du roi, tandis qu’à bord du Corsaire l’œuvre meurtrière s’accomplissait au milieu d’un silence désespéré.

Le bruit et l’agitation de cette scène firent bientôt bouillir, dans les veines du vieux Bignall, ce sang que l’âge commençait à y faire circuler plus lentement.

— Le drôle n’a pas oublié son métier, s’écria-t-il, quand les preuves de l’habileté de son ennemi se manifestèrent évidemment par les voiles déchirées, les cordages rompus, les vergues brisées et les mâts chancelans de son propre vaisseau. S’il avait dans sa poche une commission du roi, on pourrait le nommer un héros.

Les circonstances étaient trop urgentes pour perdre le temps en vains discours. Wilder ne répondit qu’en encourageant ses marins à s’acquitter de leur tâche laborieuse et sanguinaire. Les deux vaisseaux suivaient alors le cours du vent, en décrivant deux lignes parallèles, lançant à chaque instant des volumes de