Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/428

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monsieur Wilder, les drôles savent qu’il y va de leur vie dans cette affaire.

— La journée est à nous ! s’écria le second lieutenant près d’une batterie, en essuyant le sang d’une blessure qu’un éclat de bois lui avait faite au visage, et trop occupé du service dont il était chargé pour avoir fait attention à l’état du Ciel ; il n’a pas tiré un seul coup de canon depuis près d’une minute.

— De par le Ciel, les coquins en ont assez ! s’écria Bignall avec transport. Allons, mes amis, trois acclamations en honneur de la vict…

— Un instant, monsieur ! s’écria Wilder d’un ton assez décidé pour interrompre son commandant dans son triomphe prématuré ; sur ma parole, notre besogne n’est pas encore terminée. Je crois, à la vérité, que ses bouches à feu gardent le silence : mais voyez, la fumée commence à se dissiper ; dans quelques minutes, si nous cessons notre feu, nous pourrons distinguer ce qui se passe sur son bord.

Une grande exclamation poussée par ceux qui servaient les batteries l’interrompit à son tour, et il s’éleva un cri général que les pirates prenaient la fuite. Mais les transports occasionnés par un incident qui semblait prouver la supériorité du Dard se calmèrent bientôt, et d’une manière terrible. Un éclair vif et brillant pénétra à travers les vapeurs épaisses encore suspendues sur le vaisseau d’une manière extraordinaire, et fut suivi d’un roulement de tonnerre, auprès duquel l’explosion simultanée de cinquante pièces de canon n’eût été presque rien.

— Rappelez nos gens des batteries ! s’écria Bignall, de ce ton retenu dont le calme forcé et peu naturel ne fait qu’une plus forte impression ; rappelez-les sur-le-champ, monsieur, et faites carguer les voiles !

Wilder, plus surpris de l’arrivée subite et de la violence de la tempête que d’un langage auquel il était habitué depuis longtemps, ne tarda pas un instant à donner un ordre qui semblait si urgent. Les marins quittèrent leurs batteries connue des athlètes sortant de l’arène, les uns faibles et couverts de sang, les autres fiers et courroucés, tous plus ou moins animés par la scène active dans laquelle ils venaient de jouer leur rôle. Un grand nombre s’élancèrent sur Les cordages qu’ils connaissaient si bien, et quelques-uns, en montant dans le nuage encore suspendu au-dessus du vaisseau, échappèrent aux regards au milieu des agrès.