Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/430

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— Dépêchez-vous ; camarades ! cria Bignall lui-même, dans la situation dangereuse où se trouvait son vaisseau ; pliez les voiles, pliez-les toutes ; ne laissez pas au vent un seul chiffon ! — De par le ciel ! monsieur Wilder, ce vent-là n’est pas un jeu ; encouragez nos gens à l’ouvrage ; parlez-leur, monsieur, parlez-leur.

— Ferlez les voiles ! cria Wilder. — S’il est trop tard coupez-les. — Servez-vous du couteau et des dents. — Descendez tous ! — Vite ! descendez ! — Il y va de la vie !

Il y avait dans la voix du lieutenant quelque chose qui semblait comme surnaturel à l’équipage. Il avait si récemment vu une calamité semblable à celle qui le menaçait de nouveau, que ce souvenir donnait peut-être à son ton un accent d’horreur. On vit descendre rapidement une vingtaine de matelots, à travers une atmosphère si épaisse qu’elle semblait être sensible au toucher. On aurait dit une troupe d’oiseaux volant à tire d’ailes pour arriver à leur nid. Leur précipitation n’était pourtant pas inutile. Privés de tous leurs agrès, et chancelant déjà sous de nombreuses blessures, les mâts les plus hauts, se trouvant trop chargés, cédèrent à la fureur de l’ouragan, tombèrent tour à tour, et il ne resta debout que les trois grands mâts, mais nus et presque inutiles. Presque tous ceux qui étaient montés sur les agrès descendirent sur le tillac assez à temps pour se mettre en sûreté ; mais il s’en trouva quelques-uns trop opiniâtres, ou encore trop échauffés par le combat pour écouter les avis salutaires de leur lieutenant. On vit ces victimes de leur obstination flotter un instant sur la surface des ondes, s’accrochant aux fragments rompus des mâts, tandis que le Dard, entouré d’un nuage d’écume, et poussé par un vent impétueux, s’éloignait avec une rapidité qui fit bientôt perdre de vue leurs personnes et leurs misères.

— C’est la main de Dieu ! s’écria le vieux Bignall d’une voix rauque ; tandis que ses yeux se contractaient en cherchant à voir encore les malheureux naufragés. — Faites-y bien attention, Henry Arche, je soutiendrai toujours que ce ne sont pas les canons du pirate qui nous ont réduits dans cet état déplorable.

Peu disposé à chercher la misérable consolation à laquelle son commandant se livrait, Wilder déploya tous ses moyens pour remédier, autant que les circonstances le permettaient, à des avaries qu’il sentait pourtant être irréparables en ce moment. Au milieu du sifflement du vent, des coups redoublés du tonnerre, d’une, atmosphère tantôt illuminée par la lueur sinistre des éclairs ; tantôt