Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je vous demanderai un instant de délai, dit vivement Wilder quand il entendit son commandant donner ordre à ses gens de se préparer à faire feu dès que l’ennemi serait à portée. Permettez-moi de vous prier d’attendre un instant. Nous ignorons quelles peuvent être ses intentions actuelles.

— Personne ne mettra le pied à bord du Dard sans se soumettre à l’autorité du roi son maître, répliqua le vieux marin d’un ton sévère. Feu ! camarades, feu ! Chassez ces misérables de leurs batteries ! Apprenez-leur qu’il est dangereux d’approcher d’un lion, même quand il a reçu une blessure !

Wilder vit que toute remontrance serait tardive, car une nouvelle bordée partit au même instant du Dard, pour faire oublier au Corsaire les intentions généreuses qu’il pouvait avoir conçues. Le Dauphin reçut cette grêle de fer tandis qu’il s’avançait, et il dévia avec grâce de sa marche, de manière à en empêcher la répétition. Il alla ensuite se placer en face de la proue du croiseur du roi, presque sans défense, et l’on entendit sur son bord une voix rauque sommer le commandant du Dard de baisser le pavillon.

— Venez, scélérats ! venez ! s’écria Bignall enflammé de colère : que vos propres mains tâchent d’exécuter cet ordre !

Le navire plein de grâces, comme s’il eût été sensible lui-même aux sarcasmes de l’ennemi, pinça le vent davantage, et lâcha sa bordée à travers la poupe du Dard, par feu de file, et avec une dextérité calme et fatale, contre la partie la moins défendue de ce navire. On entendit au même instant un craquement semblable à celui de deux corps pesans qui se heurtent, et l’on vit une cinquantaine de figures farouches entrer sur la scène du carnage avec les armes nécessaires pour un combat corps à corps. Le choc d’une bordée tirée de si près, et dont l’effet avait été si fatal, avait paralysé pour un instant les efforts des défenseurs du Dard ; mais dès que Bignall et son lieutenant virent de sombres figures sortir de la fumée sur leur propre tillac, ils appelèrent leurs gens à eux d’une voix qui n’avait même alors rien perdu de sa force ; et à la tête d’une petite troupe, ils se jetèrent des deux côtés de la galerie pour arrêter le torrent qui s’y précipitait. La première rencontre fut terrible et meurtrière, et les deux partis reculèrent quelques pas pour attendre du renfort et reprendre haleine.

— Arrivez, brigands ! arrivez, meurtriers ! s’écria l’intrépide vétéran, qu’on voyait à la tête de sa petite troupe, et que faisaient