Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voir seul pouvait le sauver. Il surprit l’expression prononcée, mais rapide, de regret qui adoucit les traits rigides du Corsaire ; puis, presque au même instant, ses traits reprirent leur calme et leur impassibilité. Il vit aussitôt que les devoirs du chef étouffaient les sentimens de l’homme, et il ne lui en fallut pas davantage pour lui apprendre qu’il n’avait rien à espérer. Dédaignant de s’abaisser à des remontrances inutiles, il resta à la place où ses accusateurs l’avaient placé debout, immobile et silencieux.

— Que voulez-vous ? demanda enfin le Corsaire d’une voix que même ses nerfs de fer avaient peine à rendre aussi ferme qu’à l’ordinaire. — Que demandez-vous ?

— Leur mort !

— Je vous comprends. — Allez, ils sont à votre merci !

Malgré les horreurs de la scène qui venait de se passer, malgré l’état d’exaltation et d’effervescence qui l’avait soutenu pendant le combat, le ton grave et solennel avec lequel son juge prononça une sentence qui le livrait à une mort brusque et ignominieuse, fit frissonner notre aventurier au point de le rendre presque insensible. Tout son sang se glaça dans ses veines, et le choc qu’il ressentit manqua de bouleverser sa raison ; mais ce fut l’affaire d’une seconde, et, la secousse une fois passée, il se montra aussi fier, aussi intrépide que jamais, ne laissant échapper aucun signe de faiblesse que l’œil des hommes pût découvrir.

— Pour moi, je ne demande rien, dit-il avec une fermeté admirable ; je sais que vos lois, ces lois que vous avez faites vous-même, me condamnent à un affreux destin ; mais pour mes compagnons qui n’ont agi que par ignorance, et qui ne sont coupables que de m’être restés fidèles, je réclame, que dis-je, j’implore votre merci ; ils ne savaient ce qu’ils faisaient, et…

— Parlez à ces hommes ! dit le Corsaire en montrant du doigt, sans tourner les yeux, la troupe farouche qui l’entourait ; — ils sont vos juges, c’est à eux à prononcer.

Un dégoût violent et presque insurmontable se manifesta dans les manières de Wilder ; mais, faisant un violent effort sur lui-même, il le dompta, et se tournant du côté de l’équipage :

— Eh bien ! dit-il, j’en appellerai même à eux. — Vous êtes hommes, vous êtes marins…

— À bas ! s’écria la voix rauque de Nightingale. — Il veut prêcher ! qu’il soit hissé au bout de la vergue !

Le son prolongé et retentissant du sifflet que l’impitoyable