Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/453

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le port intérieur. Lorsqu’elle s’approcha d’un quai retiré et solitaire, celui qui s’y trouvait seul pour observer ses mouvemens put distinguer qu’elle contenait une litière fermée par des rideaux, et une seule femme. Avant que la curiosité, qu’un pareil spectacle était de nature à exciter dans l’âme d’un spectateur tel que celui dont nous parlons, eût le temps de s’épuiser en conjectures, les rames furent jetées dans la barque qui avait touché les piliers, les matelots prirent la litière, et, accompagnés de la dame, ils vinrent s’arrêter devant lui.

— Dites-moi, je vous prie, dit une voix qui peignait la douleur et la résignation, le capitaine de marine, Henry de Lacey, a-t-il une résidence dans la ville de Newport ?

— Oui, il en a une, répondit le vieillard à qui la dame s’était adressée, il en a une, et on pourrait même dire qu’il en à deux, puisque cette frégate n’est pas moins à lui que la maison sur la colline ici tout près.

— Vous êtes trop âgé pour nous accompagner jusque-là, mais si quelqu’un de vos petits enfans, ou quelque garçon de votre connaissance pouvait nous y conduire, voilà de quoi le payer de sa peine.

— Le Seigneur vous conserve, mylady ! reprit l’autre en jetant un regard oblique sur la dame, comme pour s’assurer qu’elle avait droit à ce titre, et en mettant soigneusement dans sa poche la petite pièce d’argent qu’elle lui offrait. Tout vieux que je suis, et quoique un peu cassé par suite d’aventures et de malheurs de tout genre, tant sur mer que sur terre, je n’en serai pas moins charmé de faire quelque chose pour une personne de votre condition. Suivez-moi, et vous verrez que votre pilote connaît bien la route.

Tout en disant ces mots, le vieillard prit les devans, et les matelots le suivirent, la dame marchant toujours à côté de la litière, l’air triste, abattu et en silence.

— Si vous avez besoin de vous rafraîchir, dit leur guide en se tournant pour leur montrer une maison, voilà une auberge bien connue, et qui, dans son temps, était fort fréquentée des marins. Le voisin Joram et l’Ancre Dérapée ont eu leur réputation, tout comme le plus grand guerrier de la terre, et quoique l’honnête Joë ait été moissonné par la récolte générale, la maison n’en est pas moins solide que le premier jour où il y est entré. Il a fait une