Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/455

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tique, de renfrogné, et même d’un peu fier : cependant il ne fut pas long à reconnaître le vieux boiteux, et il lui demanda sans cérémonie le motif de ce qu’il appelait une pareille bourrasque nocturne.

— C’est un marin blessé, répondit la dame d’une voix si plaintive et si tremblante qu’elle adoucit à l’instant le cœur du cerbère maritime, qui vient demander l’hospitalité à un de ses frères. Nous voudrions parler au capitaine Henry de Lacey.

— Alors vous avez jeté la sonde au bon endroit, madame, reprit le vieux matelot, comme maître Paul, que voici, vous le dira au nom de son père, non moins qu’en celui de la chère dame sa mère, sans oublier la vieille madame la grand-mère, qui n’est pas non plus un poisson d’eau douce, celle-là.

— Ils seront charmés de vous recevoir, dit un beau jeune homme d’environ dix-sept ans, dont le costume annonçait qu’il commençait déjà son éducation de marin, et qui regardait avec curiosité par-dessus l’épaule du vieux matelot ; je vais aller prévenir mon père ; et vous, Richard, préparez sans délai un appartement convenable pour nos hôtes.

Cet ordre, donné avec l’assurance de quelqu’un qui était habitué à agir par lui-même et à parler d’un ton d’autorité, fut exécuté à l’instant. L’appartement choisi par Richard était le parloir ordinaire de la maison. En quelques instans la litière y fut déposée, les porteurs se retirèrent, et la dame resta seule avec le matelot qui n’avait pas hésité à leur faire un accueil si cordial. Celui-ci s’occupa à préparer des lumières et à faire un bon feu de bois, ayant soin de ne laisser aucun vide dans la conversation, pour faire paraître moins long le temps qui dut s’écouler avant l’arrivée de ses maîtres.

Bientôt une porte du fond s’ouvrit, et le jeune homme que nous avons déjà nommé entra suivi des trois principaux habitans de la maison.

Le premier était un homme de moyen âge, portant le petit uniforme de capitaine de marine des nouveaux états. Son regard était calme et sa démarche encore ferme, quoique le temps et les fatigues eussent commencé à parsemer sa tête de cheveux gris. Il portait un bras en écharpe, preuve qu’il avait servi tout récemment ; sur l’autre s’appuyait une dame dont les joues fraîches et vermeilles et l’œil vif et brillant lui donnaient encore des droits incontestables à la beauté. Derrière eux venait une autre dame