Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/54

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que, suivant sa promesse, vous devez encore revenir une fois, avant que nous nous séparions pour jamais.

Ce discours était adressé du ton le plus affectueux à la plus jeune des femmes, qui semblait l’écouter avec attendrissement. Lorsqu’il fut terminé elle leva ses yeux brillant de larmes qu’elle s’efforçait évidemment de cacher, et répondit d’une voix qui résonna aux oreilles des deux jeunes auditeurs comme les chants d’une sirène, tant les accens en étaient doux et harmonieux :

— Il est inutile, ma chère tante, de me rappeler une promesse dont j’ai tant d’intérêt à me souvenir ; j’espère beaucoup plus que vous n’avez peut-être osé souhaiter. Si mon père ne revient pas avec moi au printemps, ce ne sera pas faute de sollicitations de ma part

— Notre bonne Wyllys nous prêtera son aide, répondit la tante en souriant et en regardant la troisième femme avec ce mélange de douceur et de gravité qui caractérisaient les manières cérémonieuses d’alors, et qu’on manquait rarement d’employer toutes les fois qu’un supérieur adressait la parole à un inférieur. Elle a droit d’avoir quelque empire sur le général Grayson, pour sa fidélité et pour ses services.

— Elle a droit à tout ce que l’amour et le cœur peuvent donner, s’écria la nièce avec un empressement et une vivacité qui prouvaient combien elle aurait voulu adoucir les formalités de la politesse de sa tante par la chaleur de ses manières affectueuses. Ce n’est pas à elle que mon père aura rien à refuser.

— Et vous êtes sûre que Mrs[1] Wyllys sera dans nos intérêts ? demanda la tante, sans que les démonstrations plus expressives de sa nièce lui fissent oublier le sentiment qu’elle avait des convenances. Avec une alliée aussi puissante notre ligue serait invincible.

— Je suis persuadée, madame, que l’heureuse température de cette île salutaire est favorable à ma jeune élève, qu’à part toute autre considération, je ferais certainement le peu qui dépend de moi pour seconder vos désirs.

Mrs Wyllys parlait avec dignité, et peut-être avec un peu de cette réserve qui régnait nécessairement jusqu’à un certain degré entre la riche et noble tante et la gouvernante dépendante et salariée de l’héritière de son frère ; néanmoins ses manières étaient pleines

  1. Mrs : Mistress. C’est ainsi que l’on écrit ce mot lorsqu’il s’agit d’une Dame au-dessus du commun. — Éd.