Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/61

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temps où le vent faisait tourner le moulin. L’avocat fut le premier à reprendre son sang-froid, car le jeune marin s’abandonnait sans réserve à toute sa gaîté.

— Mais c’est un terrain sur lequel il est dangereux pour d’autres que la veuve d’un marin de s’aventurer, dit-il d’un ton redevenu en un instant aussi calme que ses rires avaient été immodérés. La jeune personne, celle qui a tant d’aversion pour les moulins, est une charmante créature ! il paraîtrait qu’elle est la nièce de la prétentieuse douairière.

Le jeune marin cessa de rire à son tour, comme s’il sentait tout à coup l’inconvenance de tourner en ridicule une si proche parente de la belle vision qui venait d’apparaître à ses yeux. Quelles que fussent ses pensées secrètes, il se contenta de répondre :

— Elle l’a dit elle-même.

— Et dites-moi, reprit l’avocat en s’approchant de son compagnon, comme s’il avait un secret important à lui communiquer, ne trouvez-vous pas qu’il y avait quelque chose de frappant, d’extraordinaire, quelque chose qui allait au cœur, dans la voix de la dame qu’elles appelaient Wyllys ?

— L’avez-vous remarqué ?

— Je croyais entendre les sons d’un oracle, les accens mêmes de la vérité. Quelle voix douce et persuasive !

— J’avoue que j’en ai senti l’influence, et à un point que je ne puis expliquer.

— Cela tient du délire ! reprit l’avocat en se promenant à grands pas dans la tour, et toute trace d’enjouement et d’ironie avait disparu de sa figure pour faire place à un air pensif et rêveur. Son compagnon semblait peu disposé à interrompre ses méditations, et était livré lui-même à de tristes et pénibles pensées. Enfin le premier sortit de sa rêverie avec cette promptitude étonnante qui lui était habituelle. Il s’approcha d’une fenêtre, et dirigeant l’attention de Wilder sur le vaisseau qui était dans le havre extérieur, il lui demanda, sans autre préambule :

— Ce navire n’a-t-il donc plus d’intérêt pour vous ?

— Loin de là ! voilà un bâtiment tel que l’œil d’un marin aime à en voir !

— Voudriez-vous essayer d’aller à bord ?

— À cette heure ? seul ? je ne connais ni le capitaine ni personne de l’équipage.