Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/70

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— N’en parlons plus, interrompit Wilder avec une émotion visible, produite par les souvenirs tout à la fois doux et pénibles que les discours de Fid venaient d’éveiller dans son âme ; — vous savez qu’il n’y a guère que la mort qui puisse nous séparer, à moins cependant que vous ne préfériez me quitter à présent. Il est juste que vous appreniez que je suis engagé dans une entreprise désespérée, qui peut aisément amener ma perte et celle de tous ceux qui m’accompagnent. J’aurais beaucoup de peine à me séparer de vous, mes amis, car cette séparation pourrait être éternelle ; mais en même temps vous devez connaître toute l’étendue du danger.

— Y a-t-il beaucoup de chemin à faire par terre ? demanda brusquement Fid.

— Non, le service, quel qu’il soit, se fera tout entier sur mer.

— Alors présentez le rôle de votre vaisseau, et montrez-moi la place où je puis faire une marque, comme une paire d’ancres croisées, qui tiennent lieu d’autant de lettres qu’il y en a dans le nom de Richard Fid.

— Mais peut-être quand vous saurez…

— Qu’ai-je besoin de rien savoir, maître Harry ? Ai-je donc navigué si souvent avec vous sans savoir d’où venait le vent, pour que je refuse aujourd’hui de vous confier encore ma vieille carcasse, et de rester fidèle à mon devoir ? Qu’en dites vous, Guinée ? Voulez-vous vous embarquer, ou vous déposerons-nous sur cette petite langue de terre, pour voir ce que vous y deviendrez ?

— Moi suivre maître partout, dit le nègre toujours prêt à tout.

— Oui, oui, Guinée est comme la chaloupe d’un bâtiment côtier, toujours suivant votre sillage, maître Harry, tandis que moi je vais souvent au lof par le travers de vos écubiers, ou je vous aborde de franc-étable sans savoir comment. Quoi qu’il en soit, nous voilà l’un et l’autre prêts, comme vous voyez, à nous embarquer pour cette expédition, sur laquelle nous en savons autant qu’il nous en faut. Ainsi donc, dites-nous à présent ce qu’il nous reste à faire ; et brisons là.

— Rappelez-vous les recommandations que je vous ai déjà faites, dit Wilder qui voyait que le dévouement des deux matelots était trop vif pour qu’il fût nécessaire de le mettre à une