Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/24

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l’adresse et la dignité de la retraite. Dans de semblables moments, son bras encore nerveux eût volontiers brandi l’épée, afin d’instruire le dernier de la manière de s’en servir : et il passa bien de longues soirées d’hiver à montrer indirectement un art si peu en harmonie avec les préceptes de sa religion. Le pieux soldat n’oubliait cependant jamais de terminer son instruction en ajoutant sa prière ordinaire une défense à tous ses descendants de trancher la vie d’un être qui n’est pas préparé à mourir, à moins que ce ne fût pour défendre la foi, sa personne ou ses droits. Il faut convenir que la plus libérale interprétation de ces trois privilèges exceptés aurait laissé une matière suffisante pour exercer la subtilité d’un homme qui aurait eu du goût pour le métier des armes.

Néanmoins les exilés avaient peu d’occasions, dans leurs déserts et avec leurs paisibles habitudes, de mettre en pratique la théorie qu’ils avaient acquise grâce à de si nombreuses leçons. Les alarmes que causaient les Indiens étaient fréquentes, mais jusque-là elles n’avaient encore produit que de l’inquiétude dans l’esprit de la douce Ruth et de son jeune enfant. Il est vrai que les habitants de la vallée avaient entendu parler de voyageurs massacrés, de familles séparées par la captivité ; mais soit par un heureux hasard, soit par une grande vigilance de la part des planteurs qui étaient établis le long de cette frontière, on avait eu rarement peur du couteau et du tomahawk dans la colonie du Connecticut. Des menaces et des querelles dangereuses avec les Hollandais dans la province limitrophe de la Nouvelle-Hollande avaient été évitées par la sagesse et la modération des propriétaires des nouvelles plantations ; et quoique un chef indien guerrier et puissant tint les colonies voisines de Massachusetts et Rhode-Island dans un état de vigilance continuelle, grâce a la cause dont nous avons tout à l’heure fait mention, la crainte du danger s’était affaiblie dans l’esprit de ceux qui en étaient aussi éloignés que les individus qui composaient la famille de notre émigrant.

Les années s’écoulèrent dans cette tranquillité. Les déserts reculaient peu à peu devant l’habitation de la famille Heathcote, et ils possédèrent bientôt autant de commodités de la vie que leur séparation du reste du monde pouvait leur permettre d’en espérer.

Après cette explication préliminaire, nous promettons au lec-