Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/136

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Je prétexte d’abord des tristesses confuses,
Des ennuis qu’il vaut mieux taire ; mais tu refuses
De me croire, et j’avoue un souci bien banal.
Je te confie alors, tout honteux, qu’un journal
Qui trouve des oisifs quelconques pour le lire
Vient d’insulter mon art, mes frères et la Lyre,
Que je m’en suis ému, mais que je m’y ferai.
— Alors, amie, avec ton regard préféré,
Qui se charge un moment de bienveillants reproches,
Pour me mettre les bras au cou tu te rapproches,
Et, donnant à ta voix son charme captivant,
Tu me railles tout bas, et tu me dis : — « Enfant !
Enfant, qui se permet de garder ce front blême
Et ces grands yeux remplis de chagrin, quand on l’aime !
Ces poètes ingrats ! ils sont trop adorés.
Nous les reconnaissons à leurs beaux doigts dorés
Encor d’avoir saisi les papillons du rêve,
Et nous sentons frémir nos cœurs de filles d’Ève.
C’est d’abord un attrait vaguement vaniteux
Qui nous séduit ; car nous savons que ce sont eux
Qui domptent la pensée et le rythme rebelles
Pour dire aux temps futurs combien nous fumes belles.
Mais, les Èves toujours écoutant les démons,
Nous les aimons, et puis après nous les aimons
Encor, parce qu’eux seuls savent parler aux femmes.