Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/167

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N’étant pas mort, hélas ! s’était vite endurci,
Car la misère tue ou rend robuste. Aussi,
Plus fort que ne le sont les bambins de cet âge,
Il supportait déjà la soupe et le laitage.
Ensuite, autre souci, cet enfant inconnu
Avait été trouvé par eux à peu près nu
Il fallait le vêtir au plus tôt, faire emplette
De toile, lui fournir sa layette complète,
Payer quelque ouvrière enfin ; et justement
Le curé n’était pas bien riche en ce moment ;
Ses pauvres de la veille avaient vidé ses poches.
Et le voilà déjà s’accablant de reproches
Et se disant tout haut, d’un air très irrité,
Qu’il était imprudent et que la charité
Comme cela, c’était une chose coupable.

Mais le soldat, fronçant le nez d’un air capable,
Prit les deux meilleurs draps dans l’armoire en noyer,
Et, s’armant de ciseaux, il se mit à tailler
Des ronds et des carrés dans le vieux linge jaune.
Parfois il devenait rêveur, prenait une aune,
Se trompait, puis jetait ses ciseaux, plein d’effroi,
Comme un tailleur gâtant le bleu manteau d’un roi.

Le bon prêtre, ignorant comme une vieille fille
Et stupéfait, le vit enfiler son aiguille,