Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/169

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De chaque invention de leur ardent amour,
Ils se sentaient le cœur heureux pour tout un jour ;
Et le bonheur est fait de ces riens éphémères.
Ils allaient à tâtons, consultaient les commères
Du village, et prenaient des conseils très prudents
Pour l’âge où le petit devrait faire ses dents.
O candeur ! ils avaient des fiertés de nourrices,
Et quand l’enfant dormait tout nu, montrant ses cuisses
Où le sang rose et pur venait à fleur de peau,
Les yeux brillants de joie, ils disaient : « Qu’il est beau ! »

Angelus grandissait, et, sur ces entrefaites,
Un beau jour il voulut marcher. Nouvelles fêtes !
Ces vieux, avec leurs dos voûtés et leurs pas lents,
Semblaient faits pour guider les efforts chancelants
De ce petit garçon, leur fils et leur élève.
Chaque soir, sur le sable humide de la grève
Ils le firent marcher, surveillant avec soin
Ses progrès, chaque jour allant un peu plus loin,
Et, plus tard, chaque jour allant un peu plus vite.
L’encourageant par un bon rire qui l’invite,
Chacun d’eux soutenait un des bras de l’enfant ;
Et celui-ci parfois s’arrêtait, triomphant,
Après un petit pas qui lui semblait immense,
Heureux ainsi qu’on l’est toujours quand on commence ;