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POÈMES MODERNES

Car depuis bien des jours, patiente vigie,
Dès l’instant où la mer bleuit dans le matin
Jusqu’à ce qu’elle soit par le couchant rougie,
Elle est assise là, regardant au lointain.

Chaque aurore elle voit une tardive étoile
S’éteindre, et chaque soir le soleil s’enfoncer
À cette place où doit reparaître la voile
Qu’elle vit là, jadis, pâlir et s’effacer.

Son cœur de fiancée, immuable et fidèle,
Attend toujours, certain de l’espoir partagé,
Loyal ; et rien en elle, aussi bien qu’autour d’elle,
Depuis dix ans qu’il est parti, rien n’a changé.

Les quelques doux vieillards qui lui rendent visite,
En la voyant avec ses bandeaux réguliers,
Son ruban mince où pend sa médaille bénite,
Son corsage à la vierge et ses petits souliers,

La croiraient une enfant ingénue et qui boude,
Si parfois ses doigts purs, ivoirins et tremblants,
Alors que sur sa main fiévreuse elle s’accoude,
Ne livraient le secret des premiers cheveux blancs.