Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/260

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Et l’embrassait, au point qu’elle était étouffée,
Lui parlant à genoux ainsi qu’un amoureux
Et lui disant : – Maman, que nous sommes heureux !
Elle prit les deux mains de son fils dans les siennes
Et, tout à coup, laissant les douleurs anciennes
Toutes en même temps s’échapper de son cœur,
À ce naïf, à cet heureux, à ce vainqueur,
Elle livra le mot de la science amère.

Il apprit qu’il n’avait que le nom de sa mère
Et qu’elle n’était pas veuve aux yeux de la loi.
Elle gagnait sa vie à vingt ans. Mais pourquoi
Laisser aller ainsi, seule, une jeune fille ?
La maitresse de chant et le fils de famille :
Un drame très-banal. Le coupable était mort
Brusquement, sans avoir pu réparer son tort ;
Elle eût voulu le suivre en ce moment funeste,
Mais elle avait un fils : – Un fils ! tu sais le reste.
Voilà, depuis seize ans, mon désespoir profond.
Je n’ai plus de santé, mes pauvres yeux s’en vont,
Tu n’as pas de métier, et nous avons des dettes.

L’enfant avait rêvé gloire, sabre, épaulettes,
Un avenir doré, les honneurs les plus grands.
À présent, il voulait gagner douze cents francs.