Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/320

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Ta forte odeur de cuir et tes miasmes de fièvre.
Je vous suis du regard, pauvres coteaux pelés,
Tels encor que jadis je vous ai contemplés,
Et dans ce ciel connu mon souvenir s’étonne
De retrouver les tons exquis d’un soir d’automne.
Et mes yeux sont mouillés des larmes de l’adieu,
Car mon rêve a souvent erré dans ce milieu
Que va bouleverser la dure loi du siége.
Jusqu’ici j’allongeais la chaîne de mon piège ;
Triste captif, ayant Paris pour ma prison,
Longtemps ce fut ici pour moi tout l’horizon ;
Ici j’ai pris l’amour des couchants verts et roses ;
Penché dès le matin sur des papiers moroses,
Dans une chambre où ma fantaisie étouffait,
C’est ici que souvent, le soir, j’ai satisfait,
A cette heure où la nuit monte au ciel et le gagne,
Mon désir de lointain, d’air libre et de campagne.
Me reprochera-t-on, dans cet affreux moment,
Un regret pour ce coin misérable et charmant ?
Car il va disparaître à tout jamais. Sans doute
Les boulets vont couper les arbres de la route ;
Et l’humble cabaret où je me suis assis,
Incendié déjà, fume au pied du glacis ;
Dans ce champ dépouillé, morne comme une tombe.
Il croule, abandonné. Regardez. Une bombe