Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/48

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L’heure très lentement, les réveils pleins d’effrois,
Les soins donnés, les pieds nus sur les carreaux froids,
Les baisers appuyés sur la trace des larmes,
Et la tisane offerte, et les folles alarmes,
Et le petit malade à l’aurore n’offrant
Qu’un front plus pâle et qu’un sourire plus navrant.

Ce dévoûment obscur a duré dix années,
Beauté, jeunesse, fleurs loin du soleil fanées,
Tout fut sacrifié sans plainte et sans regret ;
Et quand, par les beaux soirs, un instant elle ouvrait
À la brise de mai charmante et parfumée
La fenêtre toujours par prudence fermée
Et laissait ses regards errer à l’horizon,
Une toux de l’enfant refermait sa prison.

Elle est libre aujourd’hui.

Elle est libre aujourd’hui.  C’est une pauvre vieille,
Toujours en deuil, dévote, ascétique, pareille
Aux béguines qu’on voit errer dans le couvent.
Libre ! Pauvre âme simple et douce ! Bien souvent
Elle songe, très triste, à son cher esclavage,
Et, tout bas, d’une voix sourde, presque sauvage,