Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/231

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des remparts plantés d’arbres, une jolie rivière pour pêcher à la ligne, et une église de la charmante époque du gothique flamboyant, déshonorée par un affreux Chemin de Croix venu tout droit du quartier Saint-Sulpice. Tous les lundis, elle s’émaillait des grands parapluies bleus et rouges de son marché, et les gens de la campagne y venaient en charrettes et en berlingo ; mais, le reste de la semaine, elle se replongeait avec délices dans le silence et dans la solitude qui la rendaient chère à sa population de petits bourgeois. Ses rues étaient pavées en têtes de chat ; on y apercevait, par les fenêtres des rez-de-chaussée, des tableaux en cheveux et des bouquets de mariées sous un verre, et par les demi-portes des jardins, des statuettes de Napoléon en coquillages. La principale auberge s’appelait naturellement l’Écu de France, et le receveur de l’enregistrement rimait des acrostiches pour les dames de la société.

Le capitaine Mercadier avait choisi cette résidence de retraite par la raison frivole qu’il y avait autrefois vu le jour, et que, dans sa tapageuse enfance, il y avait décroché les enseignes et maçonné les boutons de sonnettes. Pourtant il ne venait retrouver là ni parents, ni amis, ni connaissances,