Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/240

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Le fait est que le lundi, jour de marché, l’estaminet n’était pas tenable.

Dès l’aube, il était envahi par les maraîchers, les fermiers, les marchands de cochons, les marchands de volailles ; gens à grosse voix, à gros cous rouges, à gros fouet à la main, portant la blouse neuve et la casquette de loutre, concluant leurs affaires autour d’un litre, tapant du pied, frappant du poing, tutoyant le garçon et crevant le billard.

Quand le capitaine arrivait à onze heures pour absorber sa première absinthe, il trouvait tout ce monde déjà gris et commandant des déjeuners considérables. Sa place ordinaire était prise ; on le servait lentement et mal. Le timbre du comptoir ne cessait de retentir ; le patron et le garçon, la serviette sous le, bras, couraient, affolés. Bref, c’était un jour néfaste et qui bouleversait son existence.

Or, un lundi matin qu’il était resté chez lui, sûr d’avance que le café serait trop bruyant et trop encombré, un doux rayon de soleil d’automne l’engagea à descendre s’asseoir sur le banc de pierre placé à côté de la porte de la maison. Il était là, assez mélancolique et fumant un cigare humide, quand il vit venir du bout de la rue — c’était une ruelle mal pavée et aboutissant à la campagne —