Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/293

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plaisir à Napoléon III en lui rappelant sa jeunesse et ses mauvais jours, cet ancien sous-officier, qui avait risqué, dans l’affaire de Strasbourg, le conseil de guerre et les balles du peloton d’exécution pouvait montrer, au milieu des tripotages de l’époque, des mains absolument pures. On savait que Mlle Antonini était pauvre. Aussi, lorsque Bernard des Vignes, le beau lieutenant de dragons, l’eut fait valser trois fois de suite au bal des Tuileries, tout le monde l’estima très heureuse de rencontrer un parti de cent mille francs de rente.

Elle se mariait, sans entraînement, par raison, pour rassurer son père inquiet de l’avenir ; et, brusquement, tout son bonheur disparaissait comme un décor qu’on enlève. C’était l’absurde jalousie de son mari, l’exil en province, l’amer dégoût de découvrir dans l’homme à qui elle avait lié sa vie un grossier viveur, bassement libertin, presque ivrogne. Sans son nouveau-né, sans ce fils qu’elle avait elle-même allaité et dont la venue lui avait empli de maternité le cœur et les entrailles, cette Corse, qui était bien de son pays, fière, chaste, vindicative, eût certainement quitté son indigne époux. Elle se résignait