Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Vous m’avez élu pour succéder à M. de Laprade, qui lui-même occupait au milieu de vous la place d’Alfred de Musset ; et rarement, me semble-t-il, vous avez mieux prouvé que par ces élections successives votre goût hospitalier pour les poètes et la libérale variété de vos choix. Je diffère autant de mon prédécesseur qu’il ressemblait peu au sien ; mais vous vous plaisez à ces contrastes. Après le grave contemplateur des glaciers et des hautes futaies, vous appelez à vous un rêveur des rues de Paris ; ayant entendu le rossignol des Alpes emplir de sa voix puissante les solitudes du vallon nocturne, vous écoutez la petite chanson du bouvreuil en cage sur une fenêtre de faubourg. Il vous suffit que les deux oiseaux chantent à votre gré ; et vous faites le même accueil aux deux poètes.

Une fois seulement, j’ai eu le bonheur d’approcher M. de Laprade, pendant un des courts voyages à Paris que sa santé lui permettait, il y a quelques années ; une heure seulement, j’ai pu voir ce doux et noble visage, qui est encore présent à vos souvenirs. Mais, je puis le dire, nous nous connaissions de longue date. Écolier de vingt ans, j’avais plus d’une fois suivi, un de ses livres à la main, les allées tournantes de cette pépinière du Luxembourg où, comme il l’a dit dans une de ses plus gracieuses poésies :

 
On feuilletait un jeune cœur,
On s’absorbait dans un vieux livre.

Quand mes premières rimes furent imprimées, je les lui offris en élève timide, il les lut en maître indulgent ; et l’unique poignée de main que nous échangeâmes plus tard ne fit que mieux unir mon respect filial à sa