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des églises du désert.

la voix émue de ces ministres qui, par cet acte même, commettaient un crime capital. Alors seulement on peut se former une faible idée de tout ce qu’un pareil culte a dû offrir de recueillement sublime et d’imposante solennité. Sous le point de vue de la forme du langage, il faut ajouter que de tels vœux, d’un style si énergique et même si pur, prononcés par un jeune homme de vingt-quatre ans, privé de tout avantage d’éducation, hormis celle qu’il s’était donnée à lui-même, font voir que tous les désordres des persécutions et la ruine des académies n’avaient pu interrompre cette tradition de bonne éloquence, dont l’église réformée et l’école de Saurin avaient fourni tant de modèles.

Après le tableau de cette première renaissance du culte réformé, qui suivit immédiatement la mort de Louis XIV, il est facile de voir, que si d’un côté les premiers pasteurs eurent bien des obstacles à détruire, de l’autre côté, ils durent trouver de nombreux appuis dans les mœurs des populations. On ne peut observer, sans un profond intérêt, par quelle série de mesures et d’habitudes ces hommes courageux et zélés luttaient contre l’inquisition de leurs vigilants ennemis. Les réformés, chassés de l’exercice de toutes les professions libérales et officielles, s’étaient réfugiés avec honneur dans celles de l’industrie et de l’agriculture. En contact avec les seuls officiers du fisc, ils supportaient les charges de l’état avec empressement. Le manufacturier opulent comme le pauvre montagnard n’avaient qu’à satisfaire l’église catholique par quelques signes de dévotion extérieure, pour ne plus pouvoir en être inquiétés et pour réduire à l’impuissance le clergé, alors même qu’il se défiait le plus des apparences. Cette hypocrisie, qu’imposait la cruauté