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des églises du désert.
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Quelquefois, le séjour de ces infortunés se prolongeait pendant près d’un quart de siècle. Ainsi, nous voyons encore, en 1763, Jacques Puget, des environs d’Uzès, condamné à vie par M. Bernage de Saint Maurice, intendant, pour avoir donné asile au ministre Claris ; ce malheureux Puget avait alors soixante-dix-sept ans ; il gémissait au bagne depuis dix-neuf années, pour avoir donné l’hospitalité à son pasteur errant et proscrit. Au reste, les galériens détenus pour cause de religion parvenaient très-souvent à obtenir leur délivrance, par l’influence de quelques sommes, judicieusement adressées à des personnages influents, ou au centre du gouvernement, ou sur les

    l’acte mortuaire de David Bernadou, tel qu’il est annexé aux pièces présentées à l’Assemblée nationale : « Extrait des registres du bureau général des chiourmes des galères du roi, au port de Marseille, no 20,898. David Bernadou père, fils de feu Daniel et de feu Marthe Armengau, veuve de Rachel Delinas, marchand fabricant, natif de Mazamet, diocèse de Lavaur, âgé de soixante-quinze ans, taille petite, cheveux, barbe et sourcils gris, visage ovale, les yeux gris, nez petit, condamné à Montpellier, par jugement de M. Lenain, intendant du Languedoc, du 6 avril 1745, pour assemblée illicite, à vie : Cy, à vie. Venu en galère le 12 avril 1745. Mort à l’hôpital des chiourmes, certifions le présent extrait véritable, et à ycelui avons fait apposer le sceau royal des galères. À Marseille, le 15 juillet 1745. Fauneng. (Mss. Mar.) Cette famille infortunée offrit aussi un singulier exemple de la rapacité du fisc. Le jugement qui la condamnait prononçait la confiscation des biens, distraction faite d’un tiers au profit de la femme et des enfants. Les deux autres tiers de l’immeuble furent livrés à la régie des biens des Français religionnaires. Louis XV fit don pur et simple à un courtisan, le chevalier de Villefort, des biens acquis à l’État, de David Bernadou ; confisqués et donataires moururent ; les créanciers s’en mêlèrent et firent vendre : les frais et intérêts s’étaient accumulés ; sur 13,000 liv. que valait le bien, la veuve, tutrice des enfants, et les créanciers inscrits eurent pour leur part totale 7,000 liv. La noble demoiselle de Villefort, aux droits de son frère, ne dédaigna pas d’accepter 6,000 liv. sur les dépouilles de tant de générations proscrites. Ces faits résultent du dossier authentique présenté à l’Assemblée nationale (Mss. Mar.) ; nous les rapportons comme un exemple des spoliations auxquelles les protestants du désert furent livrés.