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des églises du désert.

Il faut encore ajouter que l’intérêt des réfugiés français, à l’étranger, pour leurs frères du désert languedocien, ne pouvait être aussi vif après un demi-siècle d’exil, et Saurin n’était plus là pour entretenir l’image d’une patrie qui s’effaçait. De nouveaux liens, une nationalité toujours plus intime, se contractaient dans les pays d’asile. Toutes ces colonies ne tardèrent pas à oublier plus ou moins complètement une métropole lointaine et souffrante, d’autant plus que le précieux établissement de Lausanne, joint aux soins et à l’activité extrêmes du pasteur Antoine Court, jusqu’à sa mort, en 1760, concentrait et suppléait tout l’intérêt et toutes les sympathies, que les étrangers protestants eussent été disposés à accorder aux églises du désert. Aussi, nous verrons, dans la vaste correspondance de Paul Rabaut, que les affaires des églises se traitaient principalement entre le bas Languedoc, l’agence de Lausanne, et les chapelains de l’ambassade de Hollande à Paris. C’était là le cercle fervent où elles se renfermaient ; on conçoit assez bien, dès lors, comment elles eurent peu de relations, soit avec les pays protestants de l’Europe, soit surtout avec les cercles philosophiques de la capitale.

Leur isolement, pour ainsi dire, au milieu de l’Europe, au milieu des beaux esprits de la France, est un des traits singuliers de leur histoire[1]. Cet isole-

  1. Cet isolement s’est même prolongé longtemps après le triomphe de la tolérance. En voici un exemple assez frappant. Le professeur Lacretelle a écrit l’Histoire du xviiie siècle (6 vol. in-8) ; c’est l’histoire la plus estimée et la plus populaire que l’on possède, touchant cette époque. Lacretelle, pour ainsi dire, ne parle point des protestants français. Sauf quelques lignes sur l’édit de 1724, sur Calas et sur l’édit de Louis XVI, les églises du désert sont comme non avenues, pour cet historien estimable, moral, et à l’abri de tout esprit de parti. De toutes les mesures, délibérations, condamnations que nous avons racontées, aucune n’est mentionnée dans cette histoire, réputée complète, de