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des églises du désert.

satisfaction, que ces lois ne furent jamais populaires. La cour, excitée par des conseils dévots et funestes, engagea et arrêta pendant bien longtemps nos lois religieuses dans une voie déplorable et féconde en malheurs de tous genres ; mais la nation française n’approuva point toutes ces choses ; il n’y eut jamais chez elle de haine ni de fureur d’oppression contre ses frères protestants. Les lois qui régissaient les églises du désert ne furent pas plus populaires en France, que ne l’avaient été celles de la révocation de l’édit de Nantes[1]. Nous prouverons cette assertion par une foule d’exemples. Nous nous bornerons cette fois à deux remarques consolantes, honorables pour l’esprit français, et qui font quelque bien au cœur après toute cette série d’injustices que nous avons été forcés de peindre. Il ne faut pas oublier que ce fut du milieu des parlements les plus acharnés à la ruine

  1. On peut au moins affirmer, d’après les rapports des intendants eux-mêmes, et surtout d’après les mémoires défensifs des magistrats, que sous le règne de Louis XV, la cour fut bien avertie et fut nettement mise en demeure de changer les lois funestes, qui composaient la révocation de l’édit de Nantes. Des conseils plus sages remplacèrent les inépuisables flatteries des courtisans de Louis XIV, et on ne put appliquer à la France du xviiie siècle ce que Bayle disait avec tant de vivacité d’esprit de celle du grand siècle : « Jamais prince n’a été plus digne que Louis-le-Grand d’avoir de fidèles amis, parce qu’il a fait du bien à une infinité de personnes ; cependant il ne s’est trouvé aucun, parmi tant de créatures, qui lui ait osé représenter qu’on avait surpris sa religion, et qu’il donnait trop d’autorité à des gens qui ne devaient se mêler que de leur bréviaire. Ni ministre, ni conseiller d’État, ni maréchal de France, ni duc, ni pair, ne s’est soucié de donner un bon avis à un grand maître qui eût été fort capable d’en profiter, si on s’y fût pris de bonne heure, et comme il faut. Tous ces courtisans infidèles et flatteurs ont applaudi à l’esprit de bigoterie, et au lieu de lui disputer le terrain comme ils auraient dû faire, ils ont fait semblant d’en être eux-mêmes malades. » (Ce que c’est que la France toute catholique sous le règne de Louis-le-Grand. Œuvres, tom. ii, 336.) Nous verrons de plus en plus combien ce déplorable masque de l’esprit dévot s’effaça lentement au profit des églises du désert dans le cours du xviiie siècle.