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des églises du désert.

côtés, expliquent jusqu’à un certain point comment Louis XIV put ignorer le véritable état des choses, ou put se tromper si gravement sur leurs suites. Qu’on ajoute à toutes ces illusions la faiblesse d’un esprit dévot et la hauteur du pouvoir absolu, et peut-être pourra-t-on se rendre raison de tant de mesures dont la postérité a dû exiger un compte sévère. Elles suffisent toutefois et trop bien pour nous faire trouver insupportable cette seconde apothéose, dont on nous fatigue depuis quelque temps.

Nous n’avons point l’intention de nous arrêter sur l’histoire proprement dite de la révocation, sur les excès de tous genres qu’elle entraîna, sur les conséquences longues et funestes qui en dérivèrent, ni sur les insuccès dont elle fut une mémorable école.

Nous ne parlerons non plus de ces colonies de réfugiés français, dont elle peupla à peu près toute l’Europe protestante, dont elle jeta des débris dans le Nouveau-Monde, et même jusqu’au cap de Bonne-Espérance. Triste tableau, puisque tandis qu’en France Louis XIV fondait une régie spéciale pour la confiscation et la spoliation des biens saisis sur ses compatriotes, en Prusse, Frédéric-Guillaume 1er fondait une charge spéciale pour les protéger et les servir. En France, c’était le conseiller et contrôleur général Chamillart et ses successeurs qui furent préposés par Sa Majesté « à la recette des biens des religionnaires qui ont contrevenu aux édits » (Arrêt du 23 septembre 1704) ; et en Prusse, c’était le comte de Denhoff, général, gouverneur de Memel, qui exerçait les fonctions de directeur et protecteur des affaires des Français réfugiés (Délibér. des réfugiés franç. de Berlin, 3 janvier 1718). Voilà sans contredit un renversement de rôles qui pénètre de tristesse.