Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/482

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468 L’ILLUSION.

 J’en fais beaucoup d’état, et ne le puis aimer.
Souvent je ne sais quoi que le ciel nous inspire
Soulève tout le cœur contre ce qu’on désire,
Et ne nous laisse pas en état d’obéir,
Quand on choisit pour nous ce qu’il nous fait haïr.
Il attache ici-bas avec des sympathies
Les âmes que son ordre a là-haut assorties :
On n’en saurait unir sans ses avis secrets ;
Et cette chaîne manque où manquent ses décrets.
Aller contre les lois de cette providence,
C’est le prendre à partie, et blâmer sa prudence,
L’attaquer en rebelle, et s’exposer aux coups
Des plus âpres malheurs qui suivent son courroux.

Géronte.

Insolente, est-ce ainsi que l’on se justifie ?
Quel maître vous apprend cette philosophie ?
Vous en savez beaucoup ; mais tout votre savoir
Ne m’empêchera pas d’user de mon pouvoir.
Si le ciel pour mon choix vous donne tant de haine,
Vous a-t-il mise en feu pour ce grand capitaine ?
Ce guerrier valeureux vous tient-il dans ses fers ?
Et vous a-t-il domptée avec tout l’univers ?
Ce fanfaron doit-il relever ma famille ?

Isabelle.

Eh ! de grâce, Monsieur, traitez mieux votre fille !

Géronte.

Quel sujet donc vous porte à me désobéir ?


 1. Var. De certains mouvements que le ciel nous inspire
Nous font aux yeux d’autrui souvent choisir le pire.
C’est lui qui d’un regard fait naître en notre cœur
L’estime ou le mépris, l’amour ou la rigueur.
[Il attache ici-bas avec des sympathies.] (1639-57)
Voyez ci-dessus, p. 309.
2.Var. Les âmes que son choix a là-haut assorties. (1639-57)
3. Var. Imprudente, est-ce ainsi que l’on se justifie ? (1639-6o)
4. Var. Ce guerrier valeureux nous tient-il dans ses fers ? (1652-57)