Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/525

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE V, SCÈNE III. 511

Et je tendis les bras à mon enlèvement,
Pour soustraire ma main à son commandement.
En quelle extrémité depuis ne m’ont réduite
Les hasards dont le sort a traversé ta fuite !
Et que n’ai-je souffert avant que le bonheur
Élevât ta bassesse à ce haut rang d’honneur !
Si pour te voir heureux ta foi s’est relâchée,
Remets-moi dans le sein dont tu m’as arrachée.
L’amour que j’ai pour toi m’a fait tout hasarder,
Non pas pour des grandeurs, mais pour te posséder.

Clindor.

Ne me reproche plus ta fuite ni ta flamme :
Que ne fait point l’amour quand il possède une âme ?
Son pouvoir à ma vue attachoit tes plaisirs,
Et tu me suivois moins que tes propres désirs.
J’étois lors peu de chose : oui ; mais qu’il te souvienne
Que ta fuite égala ta fortune à la mienne,
Et que pour t’enlever c’étoit un foible appas
Que l’éclat de tes biens qui ne te suivoient pas.
Je n’eus, de mon côté, que l’épée en partage,
Et ta flamme, du tien, fut mon seul avantage :
Celle-là m’a fait grand en ces bords étrangers ;
L’autre exposa ma tête à cent et cent dangers.
xx Regrette maintenant ton père et ses richesses ;
Fâche-toi de marcher à côté des princesses ;
Retourne en ton pays chercher avec tes biens
L’honneur d’un rang pareil à celui que tu tiens.
De quel manque, après tout, as-tu lieu de te plaindre ?


1.Var. Ne pouvant être à toi de son consentement. (1639-57)
2. Var. Rends-moi dedans le sein dont tu m’as arrachée.
Je t’aime, et mon amour m’a fait tout hasarder. (1639-57)
3. Var. Non pas pour tes grandeurs, mais pour te posséder. (1639-60)
4. Voyez tome I, p. 148, note 3.
5. Var. L’autre exposa ma tête en cent et cent dangers. (1639-57)
6. Var. Retourne en ton pays avecque tous tes biens