Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/15

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NOTICE.


« Ce fut en quelque sorte à M. de Chalon que le public est redevable du Cid, dit Beauchamps dans ses Recherches sur les théâtres de France[1]. Voici comme le P. de Tournemine m’a conté la chose : M. de Chalon, secrétaire des commandements de la Reine mère, avoit quitté la cour et s’étoit retiré à Rouen dans sa vieillesse ; Corneille, que flattoit le succès de ses premières pièces, le vint voir : « Monsieur, » lui dit-il (lui dit M. de Chalon), après l’avoir loué sur son esprit et ses talents, « le genre de comique que vous embrassez ne peut vous procurer qu’une gloire passagère. Vous trouverez dans les Espagnols des sujets qui, traités dans notre goût par des mains comme les vôtres, produiront de grands effets. Apprenez leur langue, elle est aisée ; je m’offre de vous montrer ce que j’en sais, et jusqu’à ce que vous soyez en état de lire par vous-même, de vous traduire quelques endroits de Guillem de Castro. »

Corneille profita de ces offres obligeantes. L’attente de M. de Chalon fut bien dépassée ; mais en tout il faut un apprentissage ; celui de Corneille fut fort étrange. C’est sous l’aspect fantasque du capitan Matamore de l’Illlusion que le caractère espagnol lui apparut d’abord ; toutefois, en traçant cette esquisse bouffonne, il entrevoyait déjà confusément les nobles images de Chimène et de Rodrigue[2].

Du reste, Corneille ne crut pas devoir se préparer par de longues recherches à traiter cet admirable sujet. Las Moce-

  1. Tome II, p. 157.
  2. Voyez la Notice de l’Illusion, tome II, p. 428 et 424.