Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/171

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Mon unique souhait est de ne rien pouvoir.

Don Rodrigue.

Ô miracle d’amour !

Chimène.

Ô miracle d’amour ! Ô comble de misères[1] !

Don Rodrigue.

Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères !

Chimène.

Rodrigue, qui l’eût cru ?

Don Rodrigue.

Rodrigue, qui l’eût cru ? Chimène, qui l’eût dit ?

Chimène.

Que notre heur fût si proche et sitôt se perdît ?

Don Rodrigue.

Et que si près du port, contre toute apparence[2],
Un orage si prompt brisât notre espérance ?

Chimène.

Ah ! mortelles douleurs !

Don Rodrigue.

Ah ! mortelles douleurs ! Ah ! regrets superflus !

Chimène.

Va-t’en, encore un coup, je ne t’écoute plus.

Don Rodrigue.

Adieu : je vais traîner une mourante vie,
Tant que par ta poursuite elle me soit ravie.

Chimène.

Si j’en obtiens l’effet, je t’engage ma foi[3]
De ne respirer pas un moment après toi.
Adieu : sors, et surtout garde bien qu’on te voie.

Elvire.

Madame, quelques maux que le ciel nous envoie…

  1. Var. Mais comble de misères ! (1637-44)
  2. L’édition de 1639 porte, par erreur, espérance, pour apparence.
  3. Var. Si j’en obtiens l’effet, je te donne ma foi. (1637-56)