Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/173

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C’est lui, n’en doutons plus ; mes vœux sont exaucés,
Ma crainte est dissipée, et mes ennuis cessés.


Scène VI.

DON DIÈGUE, DON RODRIGUE.
Don Diègue.

Rodrigue, enfin le ciel permet que je te voie ![1]

Don Rodrigue.

Hélas !

Don Diègue.

Hélas ! Ne mêle point de soupirs à ma joie[2] ;
Laisse-moi prendre haleine afin de te louer.
Ma valeur n’a point lieu de te désavouer :
Tu l’as bien imitée, et ton illustre audace
Fait bien revivre en toi les héros de ma race :
C’est d’eux que tu descends, c’est de moi que tu viens :
Ton premier coup d’épée égale tous les miens ;
Et d’une belle ardeur ta jeunesse animée
Par cette grande épreuve atteint ma renommée.
Appui de ma vieillesse, et comble de mon heur,
Touche ces cheveux blancs à qui tu rends l’honneur,
Viens baiser cette joue, et reconnois la place
Où fut empreint l’affront que ton courage efface[3].

Don Rodrigue.

L’honneur vous en est dû : je ne pouvois pas moins,

  1. Par une erreur singulière, les éditions de 1660-64 portent :

    Rodrigue, enfin le ciel promet que je te voie !

  2. Var. don rodr. Hélas ! c’est triomphant, mais avec peu de joie. (1638)
  3. Var. Où fut jadis l’affront que ton courage efface (a).
    don rodr. L’honneur vous en est dû : les cieux me sont témoins


    (a) Où fut l’indigne affront que ton courage efface. (1637 in-4o I.)