Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec les coutumes de l’antiquité, n’a pas manqué de signaler parmi les talents de la nymphe Déiopée, la façon dont elle récite le Cid :


Celle que j’estime le plus

Sera la femme d’Éolus :
C’est la parfaite Déiopée,
Un vrai visage de poupée ;
Au reste, on ne le peut nier,
Elle est nette comme un denier ;
Sa bouche sent la violette,
Et point du tout la ciboulette ;
Elle entend et parle fort bien
L’espagnol et l’italien ;
Le Cid du poëte Corneille,
Elle le récite à merveille ;
Coud en linge en perfection

Et sonne du psaltérion[1].

On voudrait savoir quels acteurs jouèrent dans le Cid du vivant de Corneille, mais on a sur ce point bien peu de renseignements certains. Dans les divers libelles où les critiques de Corneille attribuent tout le succès de la pièce au talent des comédiens, c’est, comme nous l’avons vu, sans les nommer.

Scudéry seul se montre plus explicite dans un passage du même genre, et nous fait ainsi connaître les acteurs qui remplissaient les rôles de Rodrigue et de Chimène : « Mondory, la Villiers et leurs compagnons n’étant pas dans le livre comme sur le théâtre, le Cid imprimé n’étoit plus le Cid que l’on a cru voir[2]. »

Il n’était pas besoin de ce témoignage pour réfuter l’asser-

  1. Le Virgile trauesty en vers burlesques de Monsieur Scarron… À Paris, chez Guillaume de Luyne, 1653, in-4o, livre I, p. 11 et 12.
  2. Lettre… À l’illustre Académie, p. 5. Mme de Sévigné a emprunté à Scudéry cet argument pour s’en servir contre Racine ; elle dit presque dans les mêmes termes : « À propos de comédie, voilà Bajazet. Si je pouvois vous envoyer la Champmeslé, vous trouveriez cette comédie belle ; mais sans elle, elle perd la moitié de ses attraits. » (9 mars 1672, tome II, p. 529.) — En 1682, c’était cette actrice qui jouait Chimène. Voyez la Notice de la Galerie du Palais, tome II, p. 9.