Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/259

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M. Saint-Marc Girardin dans la spirituelle analyse qu’il en a donnée[1], que de filles qu’on veut faire religieuses, de femmes déguisées en cavaliers, de ruses pour enlever la fille sous les yeux mêmes du père, toutes scènes de comédie. Pourquoi les personnages qui figurent dans ces scènes de comédie s’appellent-ils les Horaces et les Curiaces ? Je n’en sais rien en vérité. Ils pourraient aussi bien s’appeler don Gusman, don Pèdre, don Gomez. L’histoire n’y perdrait rien ; car l’histoire n’est pour rien dans tout cela. » Néanmoins, bien qu’on ne trouve dans cet ouvrage aucune intention de peindre le caractère romain, Lope ramasse dans Tite Live divers détails matériels qui servent plutôt à la bigarrure qu’à la vérité du tableau. Tels sont l’interregnum, ce régime bizarre qui en attendant une élection définitive donnait la royauté à une suite de sénateurs, souverains chacun pendant cinq jours ; les pillages dans les campagnes albaines, conséquence de cette anarchie ; deux ou trois ambassades d’Albe et de Rome, conduites tout autrement que dans Tite Live ; la harangue de Metius entre les deux armées pour proposer le combat des six ; l’appel au peuple conseillé par Tullus après la condamnation d’Horace ; enfin sa défense par son père, faible imitation du magnifique thème oratoire fourni par l’historien. Ce n’était pas la peine d’exposer sur la scène le triple duel pour en retrancher, faute d’espace sans doute, la poursuite inégale des champions blessés, la fuite simulée de l’Horace survivant, qui accomplit sur place sa triple victoire avec une jactance de matamore. Le dénoûment de cette tragi-comédie exigeait un mariage à l’espagnole, qui s’entremêle à la scène du forum sans en abaisser le ton bien sensiblement. Horace a chez lui une fille de sénateur, qu’il prétend toutefois avoir respectée. Le père exige qu’il l’épouse avant de subir son supplice. On va la chercher, et pendant ce temps Horace est absous par une acclamation populaire.

À coup sur, ici encore, nous ne trouvons rien qui puisse nous faire supposer chez Corneille une imitation, un souvenir direct ; la pièce de Lope de Véga ne présente avec la tragédie de notre poëte d’autres ressemblances que celles qui naissent

  1. Journal des débats du 9 juin 1852.