Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/268

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fier la fin de sa pièce ; il dit dans sa Pratique du théâtre[1] : « La mort de Camille par la main d’Horace, son frère, n’a pas été approuvée au théâtre, bien que ce soit une aventure véritable, et j’avois été d’avis, pour sauver en quelque sorte l’histoire, et tout ensemble la bienséance de la scène, que cette fille de déspérée, voyant son frère l’épée à la main, se fût précipitée dessus : ainsi elle fût morte de la main d’Horace, et lui eût été digne de compassion comme un malheureux innocent ; l’histoire et le théâtre auroient été d’accord. »

Corneille, dans son Examen, publié trois ans après l’ouvrage de d’Aubignac, établit très-bien que cet expédient, contraire à l’histoire, serait en même temps fort éloigné de la vraisemblance, et qu’Horace ne laisserait pas d’être criminel pour avoir tiré l’épée contre Camille, « puisqu’il n’y a point de troisième personne sur le théâtre à qui il pût adresser le coup qu’elle recevroit[2]. »

La critique que fait d’Aubignac de la conduite de Valère est assurément mieux fondée, mais elle se termine par une objection fort maladroite : « Dans Horace, dit-il, le discours mêlé de douleur et d’indignation que Valère fait dans le cinquième acte s’est trouvé froid, inutile et sans effet, parce que dans le cours de la pièce, il n’avoit point paru touché d’un si grand amour pour Camille, ni si empressé pour en obtenir la possession, que les spectateurs se dussent mettre en peine de ce qu’il pense, ni de ce qu’il doit dire après sa mort… Selon l’humeur des François, il faut que Valère cherche une plus noble voie pour venger sa maîtresse, et nous souffririons plus volontiers qu’il étranglât Horace que de lui faire un procès. Un coup de fureur seroit plus conforme à la générosité de notre noblesse, qu’une action de chicane qui tient un peu de la lâcheté, et que nous haïssons[3]. »

Corneille relève ces critiques une à une, sans nommer d’Aubignac, sans même faire aucune allusion à un ouvrage imprimé : « Quelques-uns, dit-il, ne veulent pas que Valère y soit un digne accusateur d’Horace ; » et il continue de la sorte, comme s’il répondait à de simples bruits, à des observations

  1. Page 82.
  2. Voyez plus loin, p. 274.
  3. Pratique du théâtre, p. 433 et 436.