Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/270

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À MONSEIGNEUR
LE CARDINAL DUC DE RICHELIEU[1]

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Monseigneur,

Je n’aurois jamais eu la témérité de présenter à Votre Éminence ce mauvais portrait d’Horace, si je n’eusse considéré qu’après tant de bienfaits que j’ai reçus d’elle, le silence où mon respect m’a retenu jusqu’à présent passeroit pour ingratitude, et que quelque juste défiance que j’aye de mon travail, je dois avoir encore plus de confiance en votre bonté. C’est d’elle que je tiens tout ce que je suis ; et ce n’est pas sans rougir que pour toute reconnoissance, je vous fais un présent si peu digne de vous, et si peu proportionné à ce que je vous dois. Mais, dans cette confusion, qui m’est commune avec tous ceux qui écrivent, j’ai cet avantage qu’on ne peut, sans quelque injustice, condamner mon choix, et que ce généreux Romain, que je mets aux pieds de V. É., eût pu paroître devant elle avec moins de honte, si les forces de l’artisan eussent répondu à la dignité de la matière. J’en ai pour garant l’auteur dont je l’ai tirée, qui commence à décrire cette fameuse histoire par ce glorieux éloge, « qu’il n’y a presque aucune chose plus noble dans

  1. Armand-Jean du Plessis, cardinal et duc de Richelieu, ministre de Louis XIII, né à Paris le 5 septembre 1585, mort le 4 décembre 1642. Nous nous sommes étendu longuement, dans la Notice de la Comédie des Tuileries (tome II, p. 305 et suivantes) et dans la Notice du Cid, sur ses rapports avec Corneille. — Dans l’édition originale et dans l’édition séparée de 1655, le mot Monseigneur est répété : à monseigneur monseigneur le cardinal, etc. — Cette épître dédicatoire ne se trouve que dans les impressions de 1641-1656.