Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/322

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Sus donc, qui vous retient ? Allez, cœurs inhumains,
J’aurai trop de moyens pour y forcer vos mains.
Vous ne les aurez point au combat occupées,
Que ce corps au milieu n’arrête vos épées ;
Et malgré vos refus, il faudra que leurs coups
Se fassent jour ici pour aller jusqu’à vous.

HORACE.

Ô ma femme !

CURIACE.

Ô ma femme !Ô ma sœur !

CAMILLE.

Ô ma femme ! Ô ma sœur !Courage ! Ils s’amollissent.

SABINE.

Vous poussez des soupirs ; vos visages pâlissent !
Quelle peur vous saisit ? Sont-ce là ces grands cœurs,
Ces héros qu’Albe et Rome ont pris pour défenseurs ?

HORACE.

Que t’ai-je fait, Sabine, et quelle est mon offense[1]
Qui t’oblige à chercher une telle vengeance ?
Que t’a fait mon honneur, et par quel droit viens-tu[2]
Avec toute ta force attaquer ma vertu ?
Du moins contente-toi de l’avoir étonnée[3],
Et me laisse achever cette grande journée.
Tu me viens de réduire en un étrange point ;
Aime assez ton mari pour n’en triompher point.
Va-t’en, et ne rends plus la victoire douteuse ;

  1. Var. Femme (a), que t’ai-je fait, et quelle est mon offense. (1641-56)
    (a) Voltaire fait ici, au sujet du mot femme, une remarque qu’on ne songerait plus, ce nous semble, à faire aujourd’hui : « La naïveté, dit-il, qui régnait encore en ce temps-là dans les écrits permettait ce mot. La rudesse romaine y parait même tout entière. »
  2. Var. Que t’a fait mon honneur, femme, et pourquoi viens-tu. (1641-56)
  3. Var. Du moins contente-toi de l’avoir offensée. (1641)