Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/33

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C’est du Mans que Mairet envoyait ces belles choses, et Claveret, qui comme lui s’était montré l’ami de Corneille et qui même avait adressé à ce dernier des vers élogieux que nous avons imprimés en tête de la Veuve, se chargea de répandre dans Paris le libelle où notre poëte était traité d’une façon si outrageante. La manière dont il s’en défend n’est guère propre à établir son innocence : « J’ai découvert enfin, écrit-il à Corneille, qu’on vous avoit fait croire que j’avois contribué quelque chose à la distribution des premiers vers qui vous furent adressés sous le nom du Vrai Cid espagnol, et qu’y voyant voire vaine gloire si judicieusement combattue, vous n’aviez pu vous empêcher de pester contre moi, parce que vous ne saviez à qui vous en prendre. Je ne crois pas être criminel de lèse-amitié pour en avoir reçu quelques copies comme les autres et leur avoir donné la louange qu’ils méritent[1]. »

Corneille répondit à l’Autheur du vray Cid espagnol par le rondeau[2] qui commence ainsi :

Qu’il fasse mieux, ce jeune jouvencel
À qui le Cid donne tant de martel,
Que d’entasser injure sur injure,
Rimer de rage une lourde imposture,
Et se cacher ainsi qu’un criminel.
Chacun connoît son jaloux naturel.
Le montre au doigt comme un fou solennel.

Quelques éditeurs ont cru qu’il s’agissait ici de Scudéry, mais ce dernier n’avait pas encore paru dans la querelle où il devait jouer bientôt un rôle si important ; ces vers s’adressaient à Mairet, qui, du reste, ne s’y trompa point.

« Vous répondez à l’Espagnol, dit-il, avec un pitoyable rondeau, dans lequel vous ne pouvez vous empêcher, à cause de

  1. Lettre du Sr Claveret au Sr Corneille, p. 5.
  2. La première édition de ce rondeau est fort rare ; elle forme i feuillet in-4o. Un recueil de la Bibliothèque de l’Arsenal, catalogué dans les Belles-Lettres sous le numéro 9809 et qui contient la plupart des libelles publiés à l’occasion du Cid, en renferme un exemplaire. Ce rondeau a été plus tard imprimé à la suite de l’Excuse à Ariste. Voyez ci-dessus, p. 19, note i. Le texte se trouve dans notre édition parmi les Poésies diverses.