Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/330

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Scène III.

SABINE, CAMILLE, JULIE.
SABINE.

Ma sœur, que je vous die une bonne nouvelle.

CAMILLE.

Je pense la savoir, s’il faut la nommer telle.
On l’a dite à mon père, et j’étois avec lui ;
Mais je n’en conçois rien qui flatte mon ennui.
Ce délai de nos maux rendra leurs coups plus rudes ;
Ce n’est qu’un plus long terme à nos inquiétudes ;
Et tout l’allégement qu’il en faut espérer,
C’est de pleurer plus tard ceux qu’il faudra pleurer.

SABINE.

Les Dieux n’ont pas en vain inspiré ce tumulte.

CAMILLE.

Disons plutôt, ma sœur, qu’en vain on les consulte.
Ces mêmes Dieux à Tulle ont inspiré ce choix[1] ;
Et la voix du public n’est pas toujours leur voix ;
Ils descendent bien moins dans de si bas étages
Que dans l’âme des rois, leurs vivantes images,
De qui l’indépendante et sainte autorité[2]
Est un rayon secret de leur divinité.

JULIE.

C’est vouloir sans raison vous former des obstacles
Que de chercher leur voix ailleurs qu’en leurs oracles[3] ;
Et vous ne vous pouvez figurer tout perdu,
Sans démentir celui qui vous fut hier rendu.

CAMILLE.

Un oracle jamais ne se laisse comprendre :

  1. Var. Les mêmes Dieux à Tulle ont inspiré ce choix. (1641-48 et 55 A.)
  2. Var. Et de qui l’absolue et sainte autorité. (1641-56)
  3. Var. Que de chercher leurs lois ailleurs qu’en leurs oracles. (1655 A.)