Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/417

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On entreprend assez, mais aucun n’exécute ;
Il est des assassins, mais il n’est plus de Brute :
Enfin, s’il faut attendre un semblable revers,
Il est beau de mourir maître de l’univers. 440
C’est ce qu’en peu de mots j’ose dire, et j’estime
Que ce peu que j’ai dit est l’avis de Maxime.

MAXIME.

Oui, j’accorde qu’Auguste a droit de conserver
L’empire où sa vertu l’a fait seule arriver[1],
Et qu’au prix de son sang, au péril de sa tête, 445
Il a fait de l’État une juste conquête ;
Mais que, sans se noircir, il ne puisse quitter
Le fardeau que sa main est lasse de porter,
Qu’il accuse par là César de tyrannie,
Qu’il approuve sa mort, c’est ce que je dénie.450
Rome est à vous, seigneur, l’empire est votre bien.
Chacun en liberté peut disposer du sien :
Il le peut à son choix garder, ou s’en défaire ;
Vous seul ne pourriez pas ce que peut le vulgaire,
Et seriez devenu, pour avoir tout dompté, 455
Esclave des grandeurs où vous êtes monté !
Possédez-les, seigneur, sans qu’elles vous possèdent.
Loin de vous captiver, souffrez qu’elles vous cèdent ;
Et faites hautement connaître enfin à tous
Que tout ce qu’elles ont est au-dessous de vous. 460
Votre Rome autrefois vous donna la naissance ;
Vous lui voulez donner votre toute-puissance ;
Et Cinna vous impute à crime capital
La libéralité vers le pays natal !
Il appelle remords l’amour de la patrie ! 465
Par la haute vertu la gloire est donc flétrie[2],

  1. Les éditions de 1652-56 portent :
    L’empire où sa vertu l’a fait seul arriver.
  2. Var. Par la même vertu la gloire est donc flétrie. (1643-56)