Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CINNA.

Ce ne peut être un bien qu’elle daigne estimer,
Quand il vient d’une main lasse de l’opprimer :
Elle a le cœur trop bon pour se voir avec joie
Le rebut du tyran dont elle fut la proie ; 690
Et tout ce que la gloire a de vrais partisans
Le hait trop puissamment pour aimer ses présents.

MAXIME.

Donc pour vous Émilie est un objet de haine[1] ?

CINNA.

La recevoir de lui me seroit une gêne.
Mais quand j’aurai vengé Rome des maux soufferts, 695
Je saurai le braver jusque dans les enfers.
Oui, quand par son trépas je l’aurai méritée,
Je veux joindre à sa main ma main ensanglantée,
L’épouser sur sa cendre, et qu’après notre effort
Les présents du tyran soient le prix de sa mort.700

MAXIME.

Mais l’apparence, ami, que vous puissiez lui plaire,
Teint du sang de celui qu’elle aime comme un père ?
Car vous n’êtes pas homme à la violenter.

CINNA.

Ami, dans ce palais on peut nous écouter,
Et nous parlons peut-être avec trop d’imprudence705
Dans un lieu si mal propre à notre confidence :
Sortons ; qu’en sûreté j’examine avec vous,
Pour en venir à bout, les moyens les plus doux.

FIN DU SECOND ACTE.
  1. Var. [Donc pour vous Émilie est un objet de haine,]
    Et cette récompense est pour vous une peine ?
    cinna. Oui, mais pour le braver jusque dans les enfers,
    Quand nous aurons vengés Rome des maux soufferts,
    Et que par son trépas je l’aurais méritée. (1643-60)