Mon ardeur inconnue, avant que d’éclater[1],
Par quelque grand exploit la vouloit mériter :
Cependant par mes mains je vois qu’il me l’enlève ;
Son dessein fait ma perte, et c’est moi qui l’achève ;
J’avance des succès dont j’attends le trépas,
Et pour m’assassiner je lui prête mon bras.
Que l’amitié me plonge en un malheur extrême !
L’issue en est aisée : agissez pour vous-même ;
D’un dessein qui vous perd rompez le coup fatal ;
Gagnez une maîtresse, accusant un rival.
Auguste, à qui par là vous sauverez la vie,
Ne vous pourra jamais refuser Émilie.
Quoi ? trahir mon ami !
Un véritable amant ne connoît point d’amis,
Et même avec justice on peut trahir un traître
Qui pour une maîtresse ose trahir son maître :
Oubliez l’amitié, comme lui les bienfaits.
C’est un exemple à fuir que celui des forfaits[2].
Contre un si noir dessein tout devient légitime :
On n’est point criminel quand on punit un crime.
Un crime par qui Rome obtient sa liberté !
Craignez tout d’un esprit si plein de lâcheté.
L’intérêt du pays n’est point ce qui l’engage ;