Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/44

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Pendant que cette guerre de libelles continuait chaque matin, Scudéry, voyant que le public s’obstinait à admirer le Cid, s’efforça d’obtenir contre le nouvel ouvrage un jugement en forme, et adressa à cet effet au seul tribunal compétent une requête qui fut imprimée plus tard sous le titre de Lettre de Mr de Scudery à l’illustre Académie[1].

« Il est bien certain, dit Pellisson, qu’en ce différend qui partagea toute la cour, le Cardinal sembla pencher du côté de M. de Scudéry, et fut bien aise qu’il écrivît, comme il fit, à l’Académie françoise, pour s’en remettre à son jugement. On voyoit assez le désir du Cardinal, qui étoit qu’elle prononçât sur cette matière ; mais les plus judicieux de ce corps témoignoient beaucoup de répugnance pour ce dessein. Ils disoient que l’Académie, qui ne faisoit que de naître, ne devoit point se rendre odieuse par un jugement qui peut-être déplairoit aux deux partis, et qui ne pouvoit manquer d’en désobliger pour le moins un, c’est-à-dire une grande partie de la France ; qu’à peine la pouvoit-on souffrir sur la simple imagination qu’on avoit qu’elle prétendoit quelque empire à notre langue : que seroit-ce si elle témoignoit de l’affecter, et si elle entreprenoit de l’exercer sur un ouvrage qui avoit contenté le grand nombre et gagné l’approbation du peuple ? que ce seroit d’ailleurs un retardement à son principal dessein, dont l’exécution ne devoit être que trop longue d’elle-même ; qu’enfin M. Corneille ne demandoit point ce jugement, et que par les statuts de l’Académie, et par les lettres de son érection, elle ne pouvoit juger d’un ouvrage que du consentement et à la prière de l’auteur. Mais le Cardinal avoit ce dessein en tête, et ces raisons lui paroissoient peu importantes, si vous en exceptez la dernière, qu’on pouvoit détruire en obtenant le consentement de M. Corneille[2]. »

Boisrobert fut chargé de cette négociation. Il entama à ce sujet avec Corneille, alors à Rouen, une longue correspondance, qui ne nous est point parvenue. Pellisson a seulement rapporté

  1. À Paris, chez Anthoine de Sommaville, au Palais, à l’Escu de France. M.DC.XXXVII, in-8o de 11 pages.
  2. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, 1653, p. 189-191.