Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/450

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Murène a succédé, Cépion l’a suivi ;
Le jour à tous les deux dans les tourments ravi
N’a point mêlé de crainte à la fureur d’Égnace[1], 1205
Dont Cinna maintenant ose prendre la place ;
Et dans les plus bas rangs les noms les plus abjets[2]
Ont voulu s’ennoblir par de si hauts projets.
Après avoir en vain puni leur insolence,
Essayez sur Cinna ce que peut la clémence[3] ; 1210
Faites son châtiment de sa confusion ;
Cherchez le plus utile en cette occasion :
Sa peine peut aigrir une ville animée,
Son pardon peut servir à votre renommée[4] ;
Et ceux que vos rigueurs ne font qu’effaroucher1215
Peut-être à vos bontés se laisseront toucher.

AUGUSTE.

Gagnons-les tout à fait en quittant cet empire
Qui nous rend odieux, contre qui l’on conspire.
J’ai trop par vos avis consulté là-dessus ;
Ne m’en parlez jamais, je ne consulte plus.1220
Cesse de soupirer, Rome, pour ta franchise :
Si je t’ai mise aux fers, moi-même je les brise,
Et te rends ton État, après l’avoir conquis,
Plus paisible et plus grand que je ne te l’ai pris ;
Si tu me veux haïr, hais-moi sans plus rien feindre ; 1225
Si tu me veux aimer, aime-moi sans me craindre :
De tout ce qu’eut Sylla de puissance et d’honneur,
Lassé comme il en fut, j’aspire à son bonheur.

LIVIE.

Assez et trop longtemps son exemple vous flatte ;

  1. Var. N’a point mis de frayeur dedans l’esprit d’Égnace (a),
    Dont Cinna maintenant ose imiter l’audace. (643-56)

    (a) Tous ces noms sont aussi empruntés à Sénèque : voyez p. 374.
  2. Voyez tome I, p. 169, note 1.
  3. Nunc tenta quomodo tibi cedat clementia. (P. 374.)
  4. Jam nocere tibi non potest, prodesse famæ tuæ potest. (Ibidem.)