Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/83

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seroit immortelle, parce qu’il n’y pouvoit trouver de fin ; et c’est sur cette croyance que pour conserver la mémoire d’un homme illustre, il a fait planter sur le frontispice de ce grand ouvrage un marmouset qui lui ressemble, et graver autour de cette vénérable médaille : Jean Mairet de Besançon. C’est ce qu’il a fait de plus à propos en sa vie, que de nous avertir par là qu’il n’est pas né François[1], afin qu’on lui pardonne les fautes qu’il fait à tous moments contre la langue.

Revenons à votre lettre, Monsieur Mairet. N’est-ce pas une belle chose que l’histoire que vous nous contez d’un libraire de Rouen qui mourut, à votre très-grand regret, pour avoir imprimé votre Chriséide[2] ? Nous espérions qu’ensuite vous nous en donneriez l’épitaphe, pour témoignage de cette violente affliction : vous avez frustré le lecteur de ce contentement ; mais pour suppléer à votre défaut, en voici un dont les vers ne valent guère mieux que les vôtres :


Ci-dessous gît Jacques Besogne,
Qui s’étant mis trop en besogne
Pour le beau poëte Jean Mairet,

Mourut à son très-grand regret.

Après cette belle histoire vous perdez tellement le respect et le sens commun, que vous avez l’insolence de préférer votre


    l’ordinaire, et que l’ayant plutôt faite pour l’hôtel de Montmorency que pour l’hôtel de Bourgogne, je ne me suis pas beaucoup soucié de la longueur, qui paroît principalement au dernier acte, à cause de la foule des effets qu’il y faut nécessairement démêler : si c’est un défaut, c’est pour les impatients et non pour les habiles. » La Silvanire est dédiée à Madame la duchesse de Montmorency.

  1. Voyez p. 76, note 2.
  2. « Pour la Chriséide, il me suffira de lui dire qu’elle n’a jamais vu le jour de mon consentement ; qu’étant pleine des propres fautes de mon enfance et de celles que le peu de soin de l’imprimeur y laissa glisser, je fis ce que je pus pour en empêcher la distribution, jusque-là même qu’un de vos compatriotes, nommé Jacques Besongne, qui l’avoit mise sous la presse, fut obligé par les poursuites de François Targa, votre libraire, à qui j’en avois laissé procuration, de faire un voyage en cette ville, où le pauvre homme mourut subitement, à mon très-grand regret ; ce sont des circonstances assez remarquables pour vérifier ce que je dis. » (Épître familière du Sr Mairet, p. 9.)