Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la narration de Laonice au premier acte[1], qu’il est malaisé de ne donner pas les mains à quelques-unes[2]. Je ne la tiens pas toutefois si inutile qu’on l’a dit. Il est hors de doute que Cléopatre, dans le second[3], feroit connoître beaucoup de choses par sa confidence avec cette Laonice, et par le récit qu’elle en fait à ses deux fils, pour leur remettre devant les yeux combien[4] ils lui ont d’obligation[5] ; mais ces deux scènes demeureroient assez obscures, si cette narration ne les avoit précédées, et du moins les

  1. Dans les scènes i et iv. — Ici Corneille a principalement en vue la Pratique du Théâtre de d’Aubignac, où on lit ce qui suit au sujet de cette narration : « Il faut prendre garde à bien entretenir le discours dans les mouvements et de n’y mêler aucune apparence de récit, parce que, pour peu que cela sente l’affectation, il est vicieux, comme fait exprès en faveur des spectateurs. Aussi ne puis-je jamais conseiller d’user d’une méthode assez commune, mais que j’estime fort mauvaise : c’est à savoir lorsqu’une personne sait une partie de l’histoire et que le spectateur n’en sait encore rien du tout ; car en ces occasions les poëtes font répéter ce que l’acteur présent sait déjà, en lui disant seulement : « Vous savez telle chose, » et ajoutant « Voici le reste, que vous ignorez. » À dire le vrai, cela me semble grossier ; j’aimerois mieux faire entrer en motifs de passion ce que l’acteur présent connoît déjà, et trouver ensuite quelque couleur ingénieuse pour traiter le reste par forme de récit ordinaire. Ce défaut est sensible dans la Rodogune, où Timagène feint de ne savoir qu’une partie de l’histoire de cette princesse, et où tout ce qu’on lui répète sommairement et ce qu’on lui conte est après expliqué assez clairement par les divers sentiments des acteurs ; si bien que cette narration n’étoit pas même nécessaire : outre qu’il n’est pas vraisemblable que ce Timagène, qui avoit été à la cour du roi d’Égypte avec les deux princes de Syrie, eût ignoré ce qu’on lui conte, qui n’est rien qu’une histoire publique, contenant des batailles, avec la mort et le mariage de deux rois. » (Pages 393 et 394.)
  2. Les éditions de 1660 et de 1663 donnent quelqu’unes, au lieu de quelques-unes.
  3. Var. (édit. de 1660) : dans le second acte.
  4. Var. (édit. de 1660-1664) : pour leur faire connoître combien, etc.
  5. Voyez les scènes ii et iii du deuxième acte.