Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/165

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prisonnier, son intention est fort bonne, et lui réussit, mais il n’y avait que moi qui lui pût répondre du succès. Il acquiert la confiance du tyran par là, et se fait remettre entre les mains la garde d’Héraclius et sa conduite au supplice, mais le contraire pouvait arriver, et Phocas, au lieu de déférer à ses avis qui le résolvent à faire couper la tête à ce prince en la place publique, pouvait s’en défaire sur l’heure et se défier de lui et de ses amis comme de gens qu’il avait offensés et dont il ne devait jamais espérer un zèle bien sincère à le servir. La mutinerie qu’il excite, dont il lui amène les chefs comme prisonniers pour le poignarder, est imaginée avec justesse ; mais jusque-là toute sa conduite est de ces choses qu’il faut souffrir au théâtre, parce qu’elles ont un éclat dont la surprise éblouit et qu’il ne ferait pas bon tirer en exemple pour conduire une action véritable sur leur plan.

Je ne sais si on voudra me pardonner d’avoir fait une pièce d’invention sous des noms véritables, mais je ne crois pas qu’Aristote le défende, et j’en trouve assez d’exemples chez les anciens. Les deux Electre de Sophocle et d’Euripide aboutissent à la même action par des moyens si divers qu’il faut de nécessité que l’une des deux soit entièrement inventée ; l’Iphigénie in Tauris a la mine d’être de même nature, et l’Hélène, où Euripide suppose qu’elle n’a jamais été à Troie, et que Pâris n’y a enlevé qu’un fantôme qui lui ressemblait, ne peut avoir aucune action épisodique ni principale qui ne parte de la seule imagination de son auteur.

Je n’ai conservé ici, pour toute vérité historique, que l’ordre de la succession des empereurs Tibère, Maurice,