Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/206

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Ainsi donc la nature à l’espoir le plus doux
Fait succéder l’horreur, et l’horreur d’être à vous !
Ce que je suis m’arrache à ce que j’aimais d’être !
Ah ! S’il m’était permis de ne pas me connaître,
Qu’un si charmant abus serait à préférer
À l’âpre vérité qui vient de m’éclairer !

Pulchérie

J’eus pour vous trop d’amour pour ignorer ses forces.
Je sais quelle amertume aigrit de tels divorces,
Et la haine à mon gré les fait plus doucement
Que quand il faut aimer, mais aimer autrement.
J’ai senti comme vous une douleur bien vive
En brisant les beaux fers qui me tenaient captive,
Mais j’en condamnerais le plus doux souvenir,
S’il avait à mon cœur coûté plus d’un soupir.
Ce grand coup m’a surprise, et ne m’a point troublée :
Mon âme l’a reçu sans être accablée,
Et comme tous mes feux n’avaient rien que de saint,
L’honneur les alluma, le devoir les éteint ;
Je ne vois plus d’amant où je rencontre un frère ;
L’un ne peut me toucher, ni l’autre me déplaire ;
Et je tiendrai toujours mon bonheur infini,
Si les miens sont vengés, et le tyran puni.
Vous, que va sur le trône élever la naissance,
Régnez sur votre cœur avant que sur Byzance,
Et, domptant comme moi ce dangereux mutin,
Commencez à répondre à ce noble destin.

Martian

Ah ! Vous fûtes toujours l’illustre Pulchérie,
En fille d’empereur dès le berceau nourrie,