Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/212

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Martian

Je sais trop qu’un tyran est sans reconnaissance
Pour en avoir conçu la honteuse espérance,
Et suis trop au-dessus de cette indignité
Pour te vouloir piquer de générosité.
Que ferais-tu pour moi de me laisser la vie,
Si pour moi sans le trône elle n’est qu’infamie ?
Héraclius vivrait pour te faire la cour ?
Rends-lui, rends-lui son sceptre, ou prive-le du jour.
Pour ton propre intérêt sois juge incorruptible :
Ta vie avec la sienne est trop incompatible ;
Un si grand ennemi ne peut être gagné,
Et je te punirais de m’avoir épargné.
Si de ton fils sauvé j’ai rappelé l’image.
J’ai voulu de Léonce étaler le courage,
Afin qu’en le voyant tu ne doutasses plus
Jusques où doit aller celui d’Héraclius.
Je me tiens plus heureux de périr en monarque
Que de vivre en éclat sans en porter la marque,
Et puisque, pour jouir d’un si glorieux sort,
Je n’ai que ce moment qu’on destine à la mort,
Je la rendrai si belle et si digne d’envie
Que ce moment vaudra la plus illustre vie.
M’y faisant donc conduire, assure ton pouvoir
Et délivre mes yeux de l’horreur de te voir.

Phocas

Nous verrons la vertu de cette âme hautaine.
Faites-le retirer en la chambre prochaine,
Crispe, et qu’on me l’y garde, attendant que mon choix
Pour punir son forfait vous donne d’autres lois.