Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/221

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Mais conniver en lâche à ce nom qu’on me vole,
Quand son père à mes yeux au lieu de moi l’immole !
Souffrir qu’il se trahisse aux rigueurs de mon sort !
Vivre par son supplice, et régner par sa mort !

Eudoxe

Ah ! ce n’est pas, Seigneur, ce que je vous demande :
De cette lâcheté l’infamie est trop grande.
Montrez-vous pour sauver ce héros du trépas,
Mais montrez-vous en maître, et ne vous perdez pas ;
Rallumez cette ardeur où s’opposait ma mère,
Garantissez le fils par la perte du père ;
Et, prenant à l’empire un chemin éclatant,
Montrez Héraclius au peuple qui l’attend.

Héraclius

Il n’est plus temps, Madame, un autre a pris ma place.
Sa prison a rendu le peuple tout de glace.
Déjà préoccupé d’un autre Héraclius,
Dans l’effroi qui le trouble il ne me croira plus,
Et ne me regardant que comme un fils perfide,
Il aura de l’horreur de suivre un parricide.
Mais quand même il voudrait seconder mes desseins,
Le tyran tient déjà Martian en ses mains :
S’il voit qu’en sa faveur je marche à force ouverte,
Piqué de ma révolte, il hâtera sa perte,
Et croira qu’en m’ôtant l’espoir de le sauver
Il m’ôtera l’ardeur qui me fait soulever.
N’en parlons plus. En vain votre amour me retarde :
Le sort d’Héraclius tout entier me regarde ;
Soit qu’il faille régner, soit qu’il faille périr,
Au tombeau comme au trône on me verra courir.
Mais voici le tyran, et son traître Exupère.



Scène II


Phocas, Héraclius, Exupère, Eudoxe, Troupe de gardes